interview de la Ruche n°11, juin 2003
Anne, tout simplement, interviewée par Edth Varet
Anne Decouvelaere, 25 ans, a quitté Dunkerque pour exercer son métier d'infirmière dans la région de Caen.
Quoi de plus banal me direz-vous pour une ancienne des Dunes ? Une toute petite chose la différencie des autres : Anne, chaque année, part en Ethiopie pour parrainer des enfants en grande difficulté.
Encore une fois, quand on décline passion, courage et foi, tout est possible !
La Ruche : Quel fut ton parcours scolaire ? Quel genre d'élève étais-tu ? ( Je prie le lecteur d'excuser le tutoiement familier, mais Anne fut une de mes anciennes élèves).
J'ai suivi les cours au collège Notre Dame des Dunes puis au Lycée de la sixième à la terminale. J'étais une élève studieuse, dotée d'un caractère affirmé, un peu trop peut-être. J'étais très impliquée dans les mouvements de jeunes.
La Ruche : Un personnage, professeur ou autre t'a-t-il marqué au cours de ta scolarité ? Dans quelles circonstances?
Donato Giuliani, qui était notre intervenant dans la classe théâtre que j'ai suivie en 5ème, 4ème, 3ème. Ce fut une expérience originale et enrichissante que je n'oublierai pas. Puis, Monsieur Turlure, professeur de Français en 1ère ; ses analyses de texte resteront dans les mémoires !
La Ruche : Ton meilleur et ton pire moment à ND Dunes ?
En fin de seconde, j'ai failli redoubler. La préparation à l'orientation n'était sans doute pas aussi pointue que maintenant: j'ai beaucoup souffert au cours de cette période.
Les meilleurs moments furent ceux passés à préparer les pièces de théâtre en 5ème et 4ème, et aussi les actions faites en Aumônerie du lycée (lourdes, préparation des retraites et des professions de foi).
La Ruche : Avec le recul, la formation dispensée t'a-t-elle été utile ?
J'ai préféré la formation humaine à la formation scolaire : Les valeurs transmises par certains professeurs, par l'Aumônerie m'ont paru plus importantes que l'étude de l'économie, des maths ou de la physique qui ne m'ont pas servi à grand chose dans le parcours que j'ai suivi ensuite.
La Ruche : Ton parcours professionnel a-t-il été atypique ou conventionnel ?
Plutôt conventionnel. J'ai obtenu mon diplôme d'infirmière en 1998, suivi d'un autre en puériculture en 1999. Je suis partie en mission humanitaire en Ethiopie début 2000 jusqu'à mi-2001. J'ai fait des remplacements d'infirmière jusqu'à fin 2001. Je suis maintenant puéricultrice en réanimation néonatale près de Caen. Le déménagement en Normandie a été une étape dans ma vie, puisque je ne suis pas partie seule : un ancien de ND des Dunes a décidé de partager sa vie avec moi : nous voilà tous les deux Normands !
La mission humanitaire que j'ai effectuée en Ethiopie et à Burayou fut riche en expériences et en rencontres: Il s'agit de parrainer des enfants issus de 300 familles déshéritées d' Addis Abeba et de 51 familles de Burayou.
Pour chacun des deux programmes, une assistante sociale, suit les familles parrainées. Elle leur rend visite au moins une fois par an, et les reçoit chaque mois au bureau des parrainages. Ce suivi permet à l’équipe de constater l’évolution de la famille, de veiller à la scolarisation des enfants, et aux conditions de vie du quotidien (hygiène, alimentation, budget…). C’est aussi l’occasion de faire le point sur la formation suivie par la maman à la coopérative. Par exemple, à Burayou, un atelier couture a été créé, ainsi qu'un atelier tissage, un de broderie et une coopérative d'épices à vocation locale : 24 mamans sont en situation de produire en tenant compte des capacités des unes et des autres.
Si un problème de santé est constaté, l’infirmière en est informée, et fait alors le nécessaire.
Les équipes de parrainages essaient de gérer les nombreux problèmes rencontrés par ces familles démunies que ce soit lors de décès, de maladies, de grossesses ou encore de problèmes plus matériaux (toitures…).
Pour faire face à ces situations, il est proposé aux familles de faire des micro-crédits et de rembourser ultérieurement la somme empruntée. Cette solution leur permet de faire face à l’urgence.
Les familles trouvent en ces programmes de parrainages un soutien financier, matériel, mais également un soutien moral non négligeable.
Les demandes d’aide de la part des familles sans ressources continuent à affluer et les autorités locales manquent de moyens financiers pour apporter une aide à cette population pour la grande majorité très pauvre.
Nous devons bien entendu ajuster notre aide à celle qui nous parvient des familles parrainantes en France, tout en veillant à ce que ces programmes grandissent harmonieusement. Il faut du temps pour que les choses se mettent en place et que les responsables Ethiopiens comprennent ce que l’on attend d’eux dans le cadre d’une gestion décentralisée.
La production est en grande partie vendue en France aux associations, mais également et depuis peu en Ethiopie.
Les coopératives vendent un peu de leur production sur place, sur des marchés d’ONG à Addis, et à présent dans un magasin à Addis Abeba également (magasin à l’essai).
Les mamans et les équipes des parrainages/ coopératives semblent motivées. En peu de temps les mamans de Burayou ont prouvé leur intérêt pour ce projet et leur envie de travailler.
Celles qui ont commencé la formation début 2001 en sont la preuve puisqu’elles sont, pour la majeure partie, déjà capables de produire. Nous espérons que certaines d’entre elles seront d’ici peu autonomes et pourront laisser leur place à d’autres.
La Ruche :
Te sens-tu bien dans notre époque ? Qu'en attends-tu ? Comment la juges-tu ?
Cette expérience de mission en Ethiopie est très riche humainement parlant : elle a généré beaucoup de rencontres, tant dans le milieu professionnel, que personnel, en France ou à l'étranger.
Cela ne m'a pas empêchée de vivre comme tout le monde : J'ai déménagé à Caen où j'exerce mon métier et je vis… avec un ancien du lycée Notre Dame des Dunes ! On ne se refait pas !
L'époque dans laquelle nous vivons nous offre beaucoup de possibilités qu'il faut savoir saisir. Nous vivons dans une société un peu trop matérialiste et exigeante, une société à deux vitesses avec d'un coté des personnes qui ont les moyens de se réaliser, de s'épanouir mais qui parfois ne connaissent pas leur chance, et d'autres qui vivent dans des conditions précaires et difficiles même en France.
Je souhaite sincèrement que les jeunes, lycéens ou autres soient attentifs aux dangers de cette société
( violence, drogue, déviances diverses) et prennent conscience de leur chance de pouvoir s'ils le veulent vraiment s'investir pour les autres.
La Ruche :
Que dirais-tu à ces jeunes lycéens qui s'interrogent certainement sur leur avenir ?
Je leur dirais qu'il faut bien réfléchir sur les priorités qu'on donne à sa vie et sur les moyens d'atteindre les objectifs qu'on s'est fixés. Je leur dirais qu'il faut vivre intensément le moment présent, qu'il faut rester tel que l'on est au fond de soi-même et ne pas essayer de ressembler à des modèles souvent factices.
Bien sur, il faut prendre du temps pour soi mais en ayant toujours le regard tourné vers l'autre.
interview de la Ruche n°11, juin 2003 : Anne Decouvelaere par Edith Varet