Interview paru dans la Ruche, juillet 2011
« L’enracinement est peut-être le besoin le plus important et le plus méconnu de l’âme humaine » Cette citation de la philosophe Simone Weil, exprime bien la passion que Jean CHATROUSSAT (interviewé par Claude Aliamus) met à défendre et à cultiver l’héritage vernaculaire et folklorique de notre cité, au sein de l’Association «Les Pénelècres » qu’il a fondée en 1995. Héritage festif aussi, pour ce « Praticien » du carnaval qui en est devenu l’un des meilleurs porte-paroles.
Ainsi, chaque trimestre, les rédacteurs du « Journal des Pénélècres nous rappellent que le « Parler » Dunkerquois est un métissage du flamand, du français, voire de l’anglais et donc un témoignage de l’ouverture au monde de notre ville au cœur de laquelle, on peut dire que Jean et ses amis ne sont pas des « Touristes ».
La Ruche : Jean, quel fut votre parcours scolaire, quel enfant étiez vous ?
Je suis né en 1930. J’ai suivi ma scolarité au Collège des Dunes où je suis rentré en 6éme en 1942, place Jeanne d’Arc à Dunkerque dont le titulaire était l’abbé Kannengieser. A cause des bombardements, le collège a déménagé successivement à Rosendael, rue Marceau chez les « Petites sœurs des pauvres » puis à MECQUIGNIES en 1944. Retour en 3éme à Dunkerque en 1945 puis en seconde en 1946.
Je crois que j’étais un bon élève d’abord réservé et timide puis sans doute un peu dissipé quoiqu’il en soit, en 1947, je décidais d’abandonner mes études et d’apprendre un métier. C’est ainsi que je me retrouvais apprenti pâtissier à Dunkerque puis à Bruxelles pendant quelques années.
La Ruche : Un personnage, professeur ou autre vous a-t-il marqué au cours de votre scolarité ? Dans quelle circonstance ?
D’abord le Père Lestienne, supérieur, qui nous a appris la rigueur et l’attention aux autres, il voulait que ses élèves deviennent des Hommes.
Ensuite, l’Abbé Devienne qui était un excellent professeur de mathématiques et un homme très bon et patient. C’est chez ses parents que j’ai appris les premiers rudiments de mon métier.
Outre les jours de guerre à Dunkerque où pour nous rendre en classe nous devions trop souvent éviter les mitraillages et les éclats d’obus de la défense aérienne, c’est à MECQUIGNIES que j’ai connu les pires et les meilleurs moments aux Dunes.
D’abord les plus pénibles parce que pour la première fois j’étais séparé de mes parents et de ma famille alors que la guerre n’était pas finie et que personne ne connaissait l’avenir. Mais aussi les meilleurs moments et je garde un souvenir inoubliable de l’amitié et de la fraternité de notre communauté isolée à la campagne sous la direction attentive et rassurante du Père Lestienne.
Il est certain que la rigueur, l’amour du travail bien fait, la persévérance et l’attention aux autres m’ont aidé à faire face aux aléas de la vie et à m’adapter.
Un peu atypique en ce sens que j’ai du m’adapter aux circonstances, par exemple, j’ai été amené à quitter le métier de pâtissier, créatif et artistique, pour ouvrir un second point de vente en association avec mon père qui devait décéder prématurément l’année suivante.
Pendant plus de 20ans il m’a donc fallu gérer deux magasins (alimentation fruits et légumes) avec la participation active de ma femme. J’y ai beaucoup appris en terme de relations publiques.
L’exploitation de mon commerce m’a amené, naturellement à prendre conscience de mes responsabilités et à être solidaire en adhérant à un groupement d’achat de commerçants (UDA) et en devenant vice-Président de l’Union Commerciale Dunkerquoise (UCD).
LA Ruche : Quelles furent les rencontres les plus importantes dans votre vie ?
D’abord ma femme Jeannine qui fut toujours ma meilleure alliée.
Ensuite le groupe d’amis au sein duquel nous confrontons nos expériences et nous interpellons mutuellement, en toute franchise
Enfin les clients dont les anecdotes et les expressions imagées vinrent souvent alimenter le journal des Pénelècres.
La Ruche : Le plus beau et le pire moment de ce parcours ?
Le pire moment, ce fut le décès de notre fils Pascal a l’âge de 29 ans, à la suite d’une longue maladie.
Le plus beau moment c’est l’amour de mes enfants et de mes petits enfants dont l’épouse et la fille de Pascal.
La Ruche : Si c’était à refaire ?
Fort des valeurs qui m’ont été enseignées, Je ferais à nouveau confiance à l’avenir, attentif à saisir les opportunités.
La Ruche : Vous sentez vous bien dans notre époque ? Qu’en attendez vous ? Comment la jugez vous ?
Oui je me sens bien dans notre époque qui est très ouverte et que tout y paraît possible .Toutefois il faut se rappeler qu’à défaut d’éducation, une certaine liberté risque d’engendrer la permissivité
La Ruche : Que diriez vous à de jeunes Lycéens qui s’interrogent sur leur avenir ?
Suivez votre chemin sans crainte « N’ayez pas peur » à condition de rester lucide et attentif. La devise de notre journal c’est « Bien faire et laisser dire » -traduction en dunkerquois « Fais ton beste et laisse braire les commères »