Gérard était aussi un pasteur, très proche des jeunes comme des parents d’élèves, par ailleurs aumônier d’un groupe d’enseignants chrétiens et aumônier d’ACI. Il avait une haute idée de la mission de l’Enseignement Catholique. Educateur et pédagogue, il a su faire face aussi à ses lourdes responsabilités au plan national, à une époque difficile, où il fallait conduire de difficiles négociations au plus haut niveau.
Texte de Jean Boulangé,
supérieur de l'Institution Notre-Dame des Dunes à la suite de Gérard Foiret en 1969.
Homélie prononcée par l'abbé Boulangé lors des funérailles de Gérard Foiret
Pour Gérard FOIRET -
Dunkerque - 7 janvier 2011.
II Corinthiens 3/5-9
Marc 4/3-8
C’est Gérard qui a choisi les textes de ses funérailles, ceux-là même qu’il avait proposés à la méditation des membres de sa famille, le 15 juillet 1990, à l’occasion de ses 40 ans de sacerdoce.
« Si mes souvenirs sont exacts, disait-il alors, Paul Valéry définissait le prêtre comme l’homme préposé aux « choses vagues », mais n’est-il pas plutôt le préposé à l’essentiel qu’il doit semer ? » Semer l’essentiel ! C’était sa ligne de conduite.
Quel est cet essentiel qu’il nous faut semer ? Saint Paul nous répond : « Nous sommes simplement des serviteurs de Dieu …Chacun de nous accomplit le devoir que le Seigneur lui a confié » et il ajoute: « celui qui plante et celui qui arrose sont sans importance : seul Dieu compte qui fait croître la plante…. nous sommes les collaborateurs de Dieu et vous êtes le champ de Dieu. »
Accomplir son devoir
Si quelqu’un a été en toutes choses un homme de devoir, c’est bien Gérard Foiret, un serviteur sans faille ! Serviteur, il l’a été à chaque étape de sa vie : professeur, Directeur de lycée, responsable de l’Enseignement catholique de notre diocèse, puis Secrétaire Général et donc responsable national engagé à cette époque dans de difficiles négociations politiques au plus haut niveau… et plus tard, encore directeur de lycée et collège, puis économe diocésain à Nice !
Un homme de devoir, au discernement rapide et pointu, très exigeant, vis à vis de lui-même, comme vis à vis de ses élèves, et de ses subordonnés, en définitive profondément humain mais donnant la priorité au bien commun.
Accomplir son devoir… comme un serviteur… pas comme un serviteur inutile, mais comme un simple serviteur… et puis, apprendre à lâcher prise. Cela aussi fait partie de la vie du collaborateur de Dieu. Cela aussi fait partie de l’essentiel. Nous plantons, nous arrosons, nous préparons le terreau où les jeunes pourront grandir en humanité et où la grâce de Dieu pourra les rejoindre, mais c’est Dieu qui fait croître, c’est lui qui moissonne, c’est lui qui juge.
Semer ? Dans la parabole du semeur, le semeur c’est Dieu. Et sa logique n’est pas la nôtre. Il sème à tout vent. Chez les païens au moins autant que chez les justes. Du gâchis. Le rendement n’est pas au rendez-vous. Gérard comme tous les responsables de nos établissements d’enseignement catholique a fait le constat, avec tristesse, d’une indifférence massive au regard du message évangélique. Les enseignants eux-mêmes sont souvent loin de l’Eglise et même de la foi. Comment réagir ? baisser les bras ? renoncer ? Notre tâche, notre devoir, c’est la fidélité à l’essentiel, veiller sans cesse à ce que le projet que nous conduisons soit pensé, et toujours réajusté, selon l’évangile. Fidélité à l’essentiel : semer. Rien n’est jamais neutre, surtout en éducation, Témoigner par la parole, mais surtout dans la vie. Le reste est à Dieu.
Exigeant comme il l’était, et lucide, toutes les limites que Gérard a rencontrées en lui et autour de lui, l’on fait souffrir. Il disait pourtant : « remerciions Dieu d’avoir confié à des hommes ordinaires et fragiles, comme moi, la charge de participer à la mission primordiale de son fils, Jésus-Christ… ».
Gérard est un homme qui a souffert . Comme de nombreux étudiants et séminaristes dans les années d’après guerre, il a connu la tuberculose et le sana. Il en est resté fragile et sa famille sait jusqu’à quel point ses dernières années ont été dures.
Il a souffert aussi dans ses responsabilités. Il a souffert de ne pas s’être toujours senti soutenu dans ses très lourdes responsabilités. Il en a été parfois profondément découragé,. Après son mandat de Secrétaire Général, il a été heureux de s’investir pleinement à Nice, mais il a été blessé de ne pas s’être senti accueilli dans son diocèse d’origine.
Teilhard de Chardin dans le milieu divin, nous dit que nous grandissons par nos activités, nos réussites, mais il nous dit que nous grandissons encore à partir de tout ce qui nous diminue, nos limites naturelles et tout ce à quoi nous ne pouvons pas échapper : l’âge, la vieillesse, ce qui de jour en jour nous enlève à nous-même pour nous pousser vers la fin. Il nous invite à la prière :
« Mon Dieu, il m’était doux, au milieu de l’effort, de sentir qu’en me développant moi-même, j’augmentais la prise qu vous avez sur moi ; il m’étais doux encore sous la poussée intérieure de la vie… de m’abandonner à votre providence. Faites qu’après avoir découvert la joie d’utiliser toute croissance pour vous faire, ou vous laisser grandir en moi, j’accède sans trouble à cette dernière phase de la communion au cours de laquelle je vous posséderai en diminuant en vous ».
Cette prière de Teilhard, qui pourrait être aussi la nôtre, elle fut certainement aussi celle de Gérard, à sa façon à lui, avec d’autres mots. Déjà au jour des ses 40 ans de sacerdoce, il disait : « …que nous soyons prêtres ou laïcs, à l’instar de la vierge Marie à l’annonciation et à la suite de Jésus-Christ, nous pouvons redire , chaque jour avec joie et jusqu’au dernier jour, les paroles de Jésus dans l’épître aux Hébreux : « Me voici Seigneur, je viens faire ta volonté ».
Jean Boulangé