Cofondateur et directeur de la publication de la revue Bottom (1999-2000), Olivier de Solminihac a participé à plusieurs revues de création littéraire et travaille aujourd’hui dans l’édition. Il a publié trois romans aux Éditions de l’Olivier. Il a également publié plusieurs livres pour la jeunesse à l’École des loisirs.
L'INTERVIEW du phare Dunkerquois du 17 octobre 2012
«Lire, c’est aussi accéder à la réflexion »
Olivier de Solminihac vient de publier « Dormir avec une fille » à l’Ecole des loisirs, « un livre pour les enfants qui aiment déjà lire tout seuls ».
L’histoire de Stéphane qui voit son intimité perturbée par l’arrivée de Léa, avec qui il lui faut partager sa chambre…
Que racontez-vous dans « Dormir avec une fille » ?
Dans pas mal de mes livres pour la jeunesse, il est question des relations entre les parents et les enfants.Ici, l’enjeu était de parler de leur intimité, en particulier quand ils se couchent, se retrouvent seuls dans le noir et cherchent le sommeil. C’est mon douzième livre pour enfants et c’est une espèce de construction ou d’explorations successives : j’aborde quelque chose dont je n’ai pas encore parlé. Un autre élément indirect a joué, c’est l’affaire DSK au Sofitel.
Comment cela ?
Au moment où je réfléchissais à cette histoire, toutes les infos en parlaient et j’avais lu un article dans « Libération » évoquant la gêne et les difficultés des parents pour apporter des explications par rapport à ce que les enfants pouvaient entendre à la télé. Je ne traite absolument pas de ça, mais il y avait l’idée d’évoquer le respect mutuel entre garçon et fille. A l’âge qu’ont les enfants dans le livre, c’est le moment où il commence à y avoir une forte distinction sexuelle entre les deux.
Quel âge ont-ils ?
Il n’est pas spécifié. Je laisse un flottement pour offrir aux lecteurs une part d’identification. La seule mention précise c’est quand Stéphane voit Léa et qu’il dit :« Elle a mon âge et demi ».
Celle-ci est beaucoup plus à l’aise que le petit narrateur… Oui, elle est un peu plus décomplexée. Mais si ça ne posait aucun problème à Stéphane, il n’y aurait pas de livre… C’est une situation nouvelle par rapport au personnage: il n’est pas fait mention du père. Stéphane vit avec samère et il y a une part d’exclusivité dans la relation qu’il entretient avec elle.
Vous utilisez parfois des termes qu’on ne penserait pas entendre chez un enfant. Par exemple, Stéphane parle de « guet-apens de la pensée »...
Si j’emploie un mot rare qu’on a du mal à concevoir dans la bouche d’un enfant, le fait qu’il soit dans un livre lui donne la possibilité de pouvoir le dire après. Mais il faut que ce soit fluide et léger. Il peut s’agir aussi de glisser une référence, un clin d’œil que 95 % des lecteurs ne verront pas. Avec le« guet-apens de la pensée », on est dans le jeu de mots, l’association « marabout, bout de ficelle ». On peut, pour de jeunes enfants, évoquer des sensations, des réflexions assez élaborées, mais avec des mots simples. Et réveiller, susciter leur capacité d’étonnement. Dormir avec une fille peut paraître extrêmement banal, mais peut aussi constituer un sujet d’étonnement, de questionnement, et offrir, dans certains cas, la possibilité à un enfant de s’exprimer sur un sujet quand il n’arrive pas à verbaliser certaines choses, en particulier sur la construction intime.
Ne vous sentez-vous pas, parfois, hors du monde ?
Moins hors du monde que si j’écrivais des histoires de dragon ! Mais cela peut être une forme de combat. Je pense à la dissociation souvent faite entre apprentissage technique de la lecture et faculté à réfléchir.
Vous considérez que vous avez un rôle à jouer ?
Ce serait très prétentieux de ma part ! Jeconsidère que je fais quelque chose qui me fait plaisir. D’autre part, une bonne partie des lecteurs de mes livres pour enfants ne sont pas des enfants. Le livre, de ce point de vue-là, est une espèce d’objet transitionnel entre adultes et enfants. Je veux que ce soit possible dans les deux sens : l’enfant peut le lire tout seul, mais ça peut être aussi quelquechose de partagé. Si j’écrivais un livre dans le seul but que ça aille dans le sens du goût déjà formé des enfants, je n’y verrais pas tellement d’intérêt.
Y a-t-il une différence entre écrire pour les adultes et écrire pour les enfants ?
La vraie différence, c’est le temps. Les livres pour adultes sont des projets que je porte pendant plus longtemps. La gestation estplus longue, comme le livre d’ailleurs. Souvent je prends l’image de quelqu’un qui faitde la voile. On peut longer la côte ou faire une traversée transatlantique, partir peu detemps ou beaucoup plus. Pour les adultes, on peut être confronté à l’impression de ne pas en voir le bout, de ne pas y arriver, tandis qu’un livre pour enfant, quand je me mets à l’écrire, c’est une affaire de deux à trois mois en tout et pour tout.
Propos recueillis par Virginie VARLET (Le Phare Dunkerquois du 17 octobre 2012)
Une vidéo de l'Ecole des Loisirs http://www.ecoledesloisirs.fr/php-edl/portailvideo/video.php?TITRE=E109926+%3BComment+devenir+indien&rub=TITRE&envoi_titre=afficher
Autre vidéo
Olivier de Solminihac à Saint-Laurent-Nouan...par DLP41